Pénétrant dans la grotte d'où a jailli le ruisseau, le géographe a-t-il la sensation de pénétrer dans un monde interdit ?
Il n'ose plus dire " je ", le noir engloutit sa personne saisie d'une sorte de torpeur... toutes ses sensations sont brouillées et l'obscurité de la grotte aux bruits confus se transforme en une peur enfantine : la peur du noir qui abrite les monstres.

" Quelques pas ont suffi, et l'on est déjà transporté dans un autre monde. On se sent tout à coup saisi par le froid et par un froid humide ; l'air stagnant, où les rayons bien-aimés du soleil ne pénètrent jamais, a je ne sais quoi d'aigre, comme s'il ne devait pas être aspiré par des poumons humains ; la voix de l'eau se répercute en longs échos dans les cavités sonores, et l'on croirait entendre les roches elles-mêmes pousser des clameurs, les unes retentissant au loin, les autres sourdes et glissant comme des soupirs dans les galeries. Tous les objets prennent des proportions fantastiques : le moindre trou que l'on voit s'ouvrir dans la pierre semble un abîme, le pendentif qui s'abaisse de la voûte a l'apparence d'une montagne renversée, les concrétions calcaires entrevues çà et là prennent l'aspect de monstres énormes ; une chauve-souris qui s'envole nous donne un frisson d'horreur. Ce n'est point là le palais fantastique et splendide que nous décrit le poète arabe des Mille et Une Nuits ; c'est au contraire un antre sombre et sinistre, un lieu terrible. "

IV. La Caverne.